Théorie du « déséquilibre chimique » du cerveau, une « métaphore poétique »
La psychiatrie neurobiologique fonde ses théories sur l’étude
du cerveau et de ses sécrétions internes. Elle exploite les techniques
sophistiquées de l’imagerie médicale qui lui permettent de valider
l’efficacité présumée des psychotropes, substances agissant sur le
métabolisme des neuromédiateurs. Il s’agit là d’une des théories
favorites du courant mécaniste de la psychiatrie. Aucune preuve de
nature biologique ou autre n’a été apportée permettant de valider le
postulat selon lequel l’observation d’une altération chimique du
cerveau détermine l’efficacité d’un psychotrope ou une modification des
capacités mentales d’un sujet. Ce serait d’ailleurs impossible à faire
étant donné qu’il faudrait analyser les rapports entre les processus
biologiques ou biochimiques ayant leur siège dans les cellules
cérébrales et les états émotionnels, affectifs et psychologiques d’une
personne, et ceci n’a jamais été scientifiquement effectué même par les
neurobiologistes. Il semble même que cela soit totalement utopique.
Il
n’existe aucun test valide permettant de mesurer l’état chimique du
cerveau d’une personne vivante. De nombreux spécialistes réfutent ce
qui, selon eux, relève d’une pure prétention scientifique. Citons-en
quelques-uns :
– le psychiatre Douglas Mar a rejeté l’idée que l’on
puisse diagnostiquer des maladies mentales en scannant le cerveau : «
Aucune base scientifique n’existe pour de telles affirmations. »
–
Un autre docteur américain, Michael Devous, qui exerce au Centre de
médecine nucléaire du Centre médical de l’Université du Texas du
Sud-Ouest, ajoute : « Un diagnostic précis sur la base d’un scanner
n’est tout simplement pas possible. »
– Dans le cadre d’une
conférence de consensus, les experts du NIH ont conclu sans ambiguïté :
« Il n’y a aucune donnée qui indique que le TDAH soit causé par un
dysfonctionnement du cerveau. »
– Le docteur Joseph Glenmullen, de
l’École médicale d’Harvard, déclare de plus : « Chaque fois qu’on a cru
découvrir un tel déséquilibre chimique, il a été démontré par la suite
que c’était une erreur ».
– En 2001, un autre spécialiste, le
docteur Ty Colbert, auteur de plusieurs livres dans le domaine ,
affirmait : « Il n’existe pas de test biologique ou de marqueur
biologique pour le TDAH, de même que pour les troubles mentaux. »
Dans un article du Monde
du 14 avril 2004, le Pr Zarifian, expert auprès du gouvernement
français, s’élève contre la prétendue légitimité des techniques
d’imagerie médicale du cerveau dans l’observation des troubles mentaux
et la qualification des drogues psychiatriques : « La recherche en
neuro-imagerie est scientifique mais ses interprétations, ses
conclusions ou ses affirmations sont scientistes. ‘’Voir le cerveau
penser’’ n'est qu'une métaphore poétique […]. En dépit de la
sophistication grandissante des techniques de la neuro-imagerie
cérébrale, aucun résultat n'a été obtenu à ce jour ayant un intérêt
pour le diagnostic, pour prédire l'évolution d'un trouble psychique ou
pour prévoir la réponse à un traitement médicamenteux. L'imagerie
cérébrale permet certes d'établir des diagnostics dans les maladies
neurologiques, mais elle ne sert, pour le moment, qu'à fabriquer des
hypothèses dans les troubles psychiques. »
Extrait de Nos enfants, cobayes de la psychiatrie ? de Pierre Vican