Psychiatrie et lavages de cerveaux financés par la CIA
Après
trente ans de silence, la CIA, l’agence de renseignements américaine, a
été forcée de révéler sa participation à des expériences secrètes de
contrôle mental. Ces expériences avaient été conduites à l'insu de
certains patients entre 1956 et 1963, sous la direction du docteur Ewen
Cameron, psychiatre et directeur de
l’Allan Memorial Institute de Montréal. Cameron effectuait des
traitements de «
déprogrammation » du cerveau sur des patients prétendument atteints de
maladies mentales. Le programme était financé par la CIA et soutenu par
le gouvernement canadien de
l’époque.
En 1951, en pleine guerre froide, des représentants de la CIA et un
groupe de psychiatres se seraient retrouvés à Montréal pour préparer le
projet « Blue Bird », qui devait servir à l’élaboration de techniques
de lavage de cerveau, de conditionnement, de persuasion, de propagande
et de contrôle psychologique des masses et de membres d’organisations.
Le docteur Cameron, ancien colonel de l’armée américaine, reçut 25
millions de dollars pour procéder à des expériences sous
le couvert de traitements thérapeutiques.
Au cours des traitements, les patients étaient soumis à des chocs
psychiatriques extrêmes. Sous l’effet de barbituriques et de LSD, les
sujets étaient abrutis par des messages enregistrés à répétition. Ils
subissaient des doses massives d’électrochocs, étaient plongés dans un sommeil prolongé de
plusieurs jours, et recevaient des douches chaudes ou glacées.
Les électrochocs étaient d’une ampleur de 20 à 40 fois plus élevée
que la normale. Les séances duraient cinq heures par jour, cinq
jours par semaine, et avaient pour but de « déprogrammer » le cerveau
du patient pour le reconstruire selon les théories de Cameron.
En 1960, la CIA mit un terme au financement des recherches secrètes de
l’institut Allan Memorial. Le docteur Cameron se tourna alors vers le
gouvernement canadien, qui le subventionna jusqu’en 1963. En tout, une
cinquantaine de patients servirent de cobayes lors de ces expériences.
Triés sur le volet, ils pouvaient souffrir de schizophrénie mais aussi
de dépression situationnelle, comme Linda Macdonald, déprimée par
l’arrivée de son cinquième enfant. Comme la plupart d’entre eux, elle
n’a jamais consenti aux traitements. Après son passage à l’institut,
Mme Macdonald a dû refaire sa vie et réapprendre à lire, écrire,
cuisiner.
En
novembre 1992, le gouvernement canadien accepta de dédommager les
victimes du docteur Cameron. Même s’ils reçurent 100 000 $ chacun en
compensation, plusieurs affirment que l’argent reçu ne compensera
jamais les traumatismes subis.
L'ancienne victime Linda Macdonald, résidente de Vancouver, avait
poursuivi en 1990, le gouvernement fédéral devant les tribunaux.
Le gouvernement d'Ottawa a toujours nié être au courant des expériences
du docteur Cameron.
L’institut Allan Memorial est le pavillon psychiatrique de l’Hôpital
Royal Victoria de Montréal et est rattaché à l’Université McGill. Il a été fondé par le docteur Ewen Cameron en 1944.
Ewen Cameron est mort en 1967. Dans son livre De l’asile à la santé mentale,
Françoise Boudreau révèle que plusieurs de ses pairs doutaient de ses
réelles compétences de psychiatre. « Le docteur Cameron était peut-être
un génie en administration mais pas en psychiatrie », affirme un
collègue de Winnipeg.
En janvier 1998, CBC, le réseau anglais de Radio-Canada, diffusa la mini-série The Sleep room, inspirée de cette histoire.
© Radio Canada
Source : radio-canada
Émission : Présent édition nationale
Date de diffusion: 5 octobre 1988
Durée : 4 min 55 s
La
journaliste Pauline Vanasse s’entretient avec le psychiatre Pierre
Lalonde, qui rappelle les expériences réalisées par le docteur Cameron
sur ses patients.